La digitalisation avance et touche tous les domaines. Les restaurateurs doivent s'adapter rapidement à l'évolution des outils qu'ils ont à disposition. Alors que cela paraît simple pour certains, d'autres manquent de ressources pour s'approprier ce monde numérique. GastroJournal s'est penché sur les défis de la digitalisation dans la restauration avec Claude Babey, directeur des outils clients chez Gastroconsult.
Les bulletins de versement disparaîtront le 30 septembre 2022. Est-ce que tous les restaurateurs sont prêts pour cette transition?
Claude Babey: Nous n'avons pas de statistiques sur ce sujet, mais je pense qu'ils sont prêts. La responsabilité de cette transition incombe avant tout aux fournisseurs de logiciels, respectivement aux institutions bancaires. Les restaurateurs émettent bien moins de factures qu’ils n’en reçoivent. Les cartes de crédit fonctionnent très bien et il est très facile de demander de l'aide à son banquier, pour le reste. Quant aux factures à payer, elles sont émises par les fournisseurs eux-mêmes, qui sont donc responsables de cette transition et le paiement lui-même pose peu de problèmes, d'autant que les institutions bancaires ont mis en place des portails e-banking très performant et que l'on peut toujours se rendre à la poste avec la facture QR!
Quels sont les soutiens que Gastroconsult a mis en place afin de faciliter cette transition vers les paiements numériques?
Avec le Covid nous n'avons pas fait de démarches particulières, mais nous avons communiqué sur ce sujet. Les démarches incombent aux fournisseurs de logiciels. De notre côté, les clients qui utilisent nos logiciels, notamment Abacus, n'avaient rien à faire puisque les mises à jour ont été faites sans qu'ils s'en rendent compte.
Quels sont les défis à venir face à la digitalisation?
Je vois deux défis majeurs. Tout d'abord le nombre d'éléments qui passent en digital – et leur évolution rapide – ainsi que la fracture numérique. Lorsque l'on télécharge un logiciel, il y a rapidement des mises à jour et les modes d'emploi n'existent plus. Il faut se former vite, être créatif, réactif et proactif sans perdre de temps. Cela nécessite beaucoup de compétences et malheureusement il y a parfois un manque de connaissances dans ce domaine. Par ailleurs, la fracture numérique ne facilite pas les choses. Pour une personne réfractaire ou du mois prudente face au numérique, c'est très compliqué. Il faut donc convaincre de l'utilité de ces outils et les restaurateurs ne doivent pas avoir peur de s'ouvrir au changement. Pour résumer le fait que cette digitalisation aille très vite et que tous les domaines soient susceptibles de passer au numérique, soit une multitude de nouveaux outils simultanément, constitue un énorme défi. Il est donc important de ne pas avoir honte de se sentir perdu, de prendre le temps de se former et de demander de l'aide.
Quels sont les facteurs de risque qui amplifient la fracture numérique?
Trois facteurs me viennent à l’esprit: les moyens financiers, l'âge et la formation. Les jeunes ne sont pas toujours mieux armés. Ce n'est pas parce que l'on sait utiliser les réseaux sociaux qu'on saura utiliser un logiciel. Le numérique sort souvent les restaurateurs de leur zone de confort et certains ne prennent pas forcément le temps de se former. Concernant ce sujet, la formation de base est évidemment importante. C'est extrêmement frustrant de se dire qu'un adolescent qui sort de l'école obligatoire n'est pas forcément à l'aise avec le monde numérique. Cela devrait être intégré au programme. Par la suite, les apprentissages dans la restauration ne creusent pas non plus le sujet.
Quelles sont les ressources à disposition des personnes qui se sentent mal à l'aise face à la digitalisation?
Il y en a beaucoup. On peut s'adresser aux fournisseurs, consulter des moteurs de recherche ou des blogs. Mais il est surtout important que ces ressources apportent une réelle plus-value. Les moteurs de recherche, par exemple, ne font pas de tri entre ce qui est actuel ou non. Pour GastroTime, nous avons mis en place une formation. Cependant la difficulté de notre outil ne réside pas dans la technique mais dans le contexte légal de la planification du temps de travail. Il nous reste donc des points à améliorer pour que les restaurateurs puissent aller plus loin et gagner plus de temps et d'argent. L'idéal serait une formation générale sur la digitalisation pour les restaurateurs spécifiquement. Et même avec une formation de ce type à disposition, il faudrait qu'ils aient le temps d'y participer. Par ailleurs, la digitalisation ne concerne pas que les outils administratifs, la communication notamment passe de plus en plus par le numérique. Il faut créer un site web, des pages dédiées sur les réseaux sociaux…
La digitalisation des outils administratifs est-elle obligatoire? Peut-on encore fonctionner sans?
Je vois encore que quelques établissements qui fonctionnent sans outils numériques, mais ils sont rares. Avec le Covid, il a fallu intégrer le paiement numérique, si possible sans contact. Le train est en marche et cela va être de plus en plus compliqué de fonctionner sans. La disparition des bulletins de versement n'est qu'une étape, qui sera suivie par de nombreux changements.
Quel est l'investissement lié à la digitalisation?
Cela dépend de l’envergure du projet. Il faut prévoir les finances et le temps de travail. Au bout du compte la démarche est rentable sur tous les points. Si l'on considère l'exemple de GastroTime, on peut gagner des dizaines d'heures en éliminant le contrôle manuel des horaires. Et si on ajoute à cela les erreurs humaines dans les calculs, les éventuelles contestations des employés et un deuxième contrôle, on imagine volontiers que le gain de temps est énorme. En effet, avec un outil adapté, dès l'instant ou la saisie des heures est correcte, le résultat est juste. Le temps économisé peut donc être investit dans d'autres choses. De plus, en cas de contrôle de la CCNT, on évite les amendes, grâce à un fichier correct, précis et complet. Cela représente une économie directe, tout comme le paiement des heures supplémentaires à 100% et non 125%, grâce à des rapports émis automatiquement à la fin de chaque mois.
Quelles sont les solutions pour investir dans la digitalisation lorsque les liquidités manquent?
On peut commencer par utiliser des solutions de pré-saisie comptables très bon marché, qui lorsqu'elles sont utilisées avec précision, permettent de faire des économies de fiduciaire. Petit à petit ces gestes permettent de mettre de l'argent de côté afin d'investir dans un outil numérique plus efficace. Cependant pour cela, il faut avoir un peu de temps à disposition et lorsque l'on travaille déjà 18h par jour, c'est parfois difficile de prendre encore le temps de saisir les heures sur ce type de programme.
Que recommandez-vous aux nouveaux restaurateurs?
Il faut venir nous voir afin que nous fassions le tour de leurs besoins, de leurs envies et de leurs ressources. Nous pourrons trouver ensemble une solution avec un rapport prix / prestation intéressant.
Un texte de: Isabelle Buesser-Waser