Une nouvelle ordonnance concernant les crédits COVID-19, les fonds pour les cas de rigueur ou les indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail : Les conséquences du règlement COVID-19 génèrent beaucoup de travail supplémentaire et de questions pour les entrepreneurs. Urs Schüpbach, directeur de Gastroconsult pour l'audit, a les réponses.
Urs Schüpbach, vous
êtes directeur de l’audit chez Gastroconsult Berne. Où se trouvent actuellement
les plus grandes lacunes dans les connaissances des restaurateurs concernant
les crédits COVID-19, les fonds pour les cas de rigueur ou les indemnités en
cas de réduction de l’horaire de travail (IRHT)?
Urs Schüpbach:
Le principal
problème réside dans le fait que les clients ne connaissent pas les
restrictions, temporelles ou qui sont liées à d’autres conditions. Je vous
donne un exemple: pour les crédits COVID-19 et les fonds pour les cas de
rigueur, les entrepreneurs n’ont le droit de verser aucun dividende tant qu’ils
n’ont pas remboursé le crédit ou le prêt. Pendant longtemps, ils n’étaient pas
au fait des détails des conditions. Par ailleurs, certains chefs ont, pendant
des années, payé des factures privées via le compte courant de l’établissement,
ce qui est habituellement acceptable. Ce n’est toutefois plus autorisé avec les
crédits de l’Etat. Ce sont des choses qu’on découvre parfois uniquement lors de
la clôture des comptes trimestriels ou semestriels.
Pour les
indépendants, les problèmes se situent au niveau des règles pour l’indemnité
APG.
Ces
dispositions n’ont effectivement aucun sens. Une personne occupant une position
assimilable à celle d’un employeur qui, par exemple, a subi une perte de 50%
sur son chiffre d’affaires en décembre 2021 reçoit l’APG uniquement si
elle ne s’est versé aucun salaire en décembre. Le versement n’a toutefois lieu
qu’en février. L’entrepreneur se demande alors, avec raison, comment combler la
période entre les deux.
Que lui recommandez-vous?
Il faut se
verser une avance et la rembourser lorsque l’indemnité sera payée. Mais il ne
faut pas la déclarer comme salaire. A défaut, l’entrepreneur finance cette
période avec ses économies. En effet, on ne vit pas juste d’amour et d’eau
fraîche.
Le
26 janvier 2022, le Conseil fédéral a décidé de prolonger de
24 mois la procédure de décompte pour les IRHT ainsi que l’augmentation de
la durée maximale de celles-ci. Il a également supprimé la limitation à quatre
périodes de décompte pour les pertes de travail supérieures à 85%. L’IRHT a été
réintroduite pour les établissements touchés par la règle des «2G+». Qu’est-ce
que cela implique alors pour les hôteliers-restaurateurs?
Qu’ils ont toujours la possibilité de maintenir leurs collaborateurs. Ils ne doivent pas les licencier. Cet instrument a prouvé son efficacité. Sa difficulté réside dans le changement pratiquement hebdomadaire des dispositions. Certaines règles ont été supprimées après le confinement, puis s’appliquent à nouveau depuis la 2G+. L’important dans ce flot d’informations de la Confédération est de ne pas laisser passer les délais de préavis et autres règles.
Récemment le Tribunal fédéral a décidé, dans le cas d’un restaurateur lucernois, qu’en matière d’IRHT, les établissements ont le droit aux indemnités vacances et jours fériés pour les collaborateurs ayant un salaire mensuel. Qu’est-ce que cela signifie concrètement?
Fin janvier, le SECO a publié un nouveau formulaire de décompte à cet égard. Il n’a toutefois pas encore été décidé comment faire valoir ce droit rétroactivement, c’est-à-dire si la procédure se fera automatiquement du côté des caisses de chômage ou si tout doit être soumis en même temps que ce formulaire. Le fait est que ces montants restent en souffrance.
De quoi faut-il tenir compte en matière de fonds pour les cas de rigueur dans les bilans?
Les établissements ayant un chiffre d’affaires de moins de cinq millions peuvent inscrire des bénéfices sans rembourser les fonds pour les cas de rigueur. Ce n’est toutefois pas la règle pour tous les cantons. Il faut le contrôler dans chaque ordonnance cantonale, ce dont beaucoup n’ont pas pris conscience pendant longtemps. Le canton d’Argovie, par exemple, exigeait que les entreprises qui inscrivent un bénéfice doivent rembourser l’argent. Le canton a corrigé cette exigence en décembre 2021 seulement. Nous avons reçu beaucoup d’appels à ce sujet, car les restaurateurs ne connaissaient pas les règles en vigueur ou avaient peur pour leur survie. Le moment est on ne plus mal choisi pour procéder à des réductions du capital, car selon le canton, il est possible que la conséquence de cette méconnaissance se traduise par l’obligation de rembourser les fonds pour les cas de rigueur.
Qu’en est-il des établissements ayant un chiffre d’affaires de plus de cinq millions de francs?
Si par exemple plusieurs établissements opèrent sous une raison sociale de société anonyme, le résultat total de la SA est déterminant. Si elle a reçu 100 000 francs d’indemnités pour les cas de rigueur et inscrit un bénéfice de 200 000 francs, l’entreprise doit rembourser l’intégralité des 100 000 francs d’indemnité. Si elle n’a inscrit que 50 000 francs de bénéfice, elle doit rembourser 50 000 francs sur les 100 000 francs des fonds pour les cas de rigueur. Les personnes qui ignorent ces aspects risquent ainsi beaucoup d’argent.
Quelles sont les questions les plus pressantes en lien avec les crédits COVID-19?
L’élément décisif est de savoir à partir de quand et pour quel montant il faut amortir. Cela peut différer selon la banque. Un courrier de Credit Suisse de l’un de nos clients fixe la première tranche d’amortissement en principe au 31 mars 2022, suivie de tranches semestrielles, et la dernière au 30 septembre 2027. Beaucoup dans la branche se demandent comment rembourser déjà fin mars une telle part du crédit.
Ce qui est compréhensible. Que recommandez-vous?
La situation est très diverse dans cette branche hétérogène. Certains établissements ont pris des crédits COVID-19 sans les avoir jamais touchés, mais en s’en servant comme réserve d’urgence pour garder des liquidités. Je recommande en principe aux clients de contacter la banque et de trouver une autre solution. Il serait certainement faux de se tourner vers un particulier et de payer des intérêts pour une nouvelle dette.
Cette interview en est le témoignage: il existe d’innombrables cas pour ce thème complexe. Pouvez-vous nous en citer un autre?
Les entrepreneurs qui ont un organe de révision doivent savoir que celui-ci est tenu, par exemple, de signaler un versement de 10 000 francs depuis le compte courant. Cela peut mener à une procédure qui aboutit à ce que le crédit doit être immédiatement remboursé à l’Etat.
Interview par Reto. E. Wild
GastroJournal